20 novembre 2019

Relations ministère / avocats : lettre ouverte à la Garde des Sceaux

Assemblée générale
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Le 20 novembre, les membres du bureau du Conseil national des barreaux ont fait parvenir à la Garde des Sceaux une lettre ouverte pour l'alerter sur la situation historiquement critique des relations institutionnelles entre le ministère et la profession d’avocat. Retrouvez ci-dessous la lettre ouverte et en téléchargement tous les documents liés aux prises de position du CNB.

Madame la Garde des Sceaux,

Nous souhaitons porter à votre connaissance la situation historiquement critique des relations institutionnelles entre votre ministère et la profession d’avocat, comme en témoignent les motions adoptées lors de notre assemblée générale les 15 et 16 novembre derniers.

1. Sur les réformes de la procédure civile et du divorce

La communication aussi tardive de textes, encore provisoires, qui bouleversent en profondeur notre pratique professionnelle et celle des magistrats est inacceptable.

Le préavis de mise en œuvre, fixé unilatéralement par vos services et sans aucune concertation avec les acteurs de la chaîne judiciaire, est incompatible avec les délais requis pour assurer la formation des professionnels et pour mettre à niveau la communication électronique.

Nous demandons donc instamment, joignant nos voix à celles des magistrats et des greffiers, un report de l’entrée en vigueur de ces décrets.

À défaut, il pourrait en résulter des conséquences gravement pénalisantes pour les justiciables, avec une sinistralité non maîtrisée.

2. Sur les projets numériques

Comme vous le savez, le Conseil national des barreaux investit six millions d’euros pour améliorer le RPVA qui souffre depuis de nombreuses années d’un sous-investissement du ministère de la justice sur la partie RPVJ.

Six millions d’euros qui ne produisent pas les résultats escomptés, puisque nous sommes depuis de nombreux mois désespérément en attente de réponses de vos services à nos demandes légitimes pour déployer ce nouvel outil qui bénéficiera aux avocats, aux magistrats et aux greffes (tableau annexe demandes formulées par le CNB).

C’est donc avec consternation que l’assemblée générale a pris connaissance de la demande de Madame Malbec de solliciter de nouveaux investissements des avocats pour le déploiement de nouveaux projets portés par la Chancellerie.

Notre assemblée générale a donc logiquement refusé de donner une réponse favorable à cette demande autoritaire de financement, par la profession d’avocat, de nouveaux chantiers du ministère de la justice, sauf à obtenir préalablement les garanties d’une véritable coopération sur les sujets d’ores et déjà portés à votre connaissance et les réponses aux questions en attente.

3. En matière de formation

L’assemblée générale a pris connaissance avec surprise de la décision de la DACS de constituer une commission pilotée par la Chancellerie et co-présidée par deux experts - dont les compétences reconnues par tous ne sont pas en cause - pour écrire le projet de réforme de la formation des avocats.

La loi, en effet, a déjà institué une commission tripartite dédiée à la formation professionnelle composée de deux magistrats et de deux universitaires désignés par arrêté du ministre de la justice et de six avocats élus par le CNB.

Cette commission, que la loi charge de “définir les principes d'organisation de la formation et d'en harmoniser les programmes” (art. 21-1 de la loi du 31 décembre 1971), est au cœur du CNB.

Nous ne pouvons donc que dénoncer ce nouveau contournement des institutions légales, après les expériences malheureuses des chantiers de la justice et de la commission Nallet.

4. En matière de retraites

L’Assemblée générale a pu prendre connaissance des éléments d’informations portés à notre connaissance par les services du haut-commissaire.

Ces éléments prouvent une méconnaissance totale de la sociologie et de la démographie de notre profession.

Au lieu de répondre aux six profils types représentatifs que nous lui avions transmis en juillet, les équipes du haut-commissaire ont choisi unilatéralement l’exemple d’un avocat qui n’existe pas : il commence sa carrière à 23 ans (alors que la moyenne d’âge d’entrée dans la profession est de 28,1 ans et qu’en 2018, aucun avocat n’est entré dans la profession à cet âge). Il rejoint une profession qui compterait 75 000 avocats en 2070, alors que nous avons déjà passé le cap des 70 000 Confrères.

Tout ceci n’est pas sérieux et nous refusons ces méthodes.

Notre assemblée générale a donc réaffirmé notre opposition catégorique au régime universel de retraite proposé par le Gouvernement et a voté pour une « journée de justice morte », le 5 décembre prochain, tant pour continuer à défendre fermement les spécificités des régimes autonomes qu’en solidarité avec ceux qui ont à souffrir de l’absence d’écoute du Gouvernement et de sa réforme dogmatique.

Madame la Garde des Sceaux, nous ne pouvons que déplorer l’attitude et les méthodes inacceptables des services de votre ministère et la défiance engendrée à l’égard des avocats et de l’institution qui les représente. Jamais peut-être nos relations avec le ministère de la justice n’auront été si abimées. Nous ne pouvons que le regretter et le dénoncer publiquement.

Nous vous prions de croire, Madame la Garde des Sceaux, à l’assurance de notre haute considération.

Christiane FÉRAL-SCHUHL - Présidente du Conseil national des barreaux

Marie-Aimée PEYRON, vice-présidente, bâtonnière de Paris

Jérôme GAVAUDAN, vice-président, président de la Conférence des bâtonniers

Catherine JONATHAN-DUPLAA, vice-présidente

Jean-Luc FORGET, vice-président

Christian LEROY, trésorier

Élodie MULON, secrétaire du bureau

Régine BARTHELEMY - membre du bureau

Matthieu DULUCQ - membre du bureau

Catherine GAZZERI - membre du bureau

Christophe THEVENET - membre du bureau

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