04 juillet 2022

Pologne : une fragilisation de l’état de droit sous surveillance

Libertés et droits de l'homme

La loi polonaise réformant les dispositions concernant la cour Suprême promulguée le 14 juin ne remédiera pas aux graves manquements de l’état de droit et l’analyse de la loi contredit l’assurance des autorités polonaises lesquelles affirment avoir répondu aux exigences de l’Union Européenne.

En effet, il ressort de la loi que le Président de la Pologne restera impliqué dans la procédure de nomination des juges à la nouvelle chambre de responsabilité professionnelle. Il devra nommer 11 de ses juges parmi les 33 candidats tirés au sort. Aucun critère n’est prévu pour cette décision qui restera discrétionnaire

Il n’est pas prévu de critères pour la décision du Président, ce qui la rend discrétionnaire. La décision du Président devra être contresignée par le Premier ministre, impliquant ainsi un autre organe exécutif dans la procédure de nomination des juges. Cela soulève de sérieux doutes quant à sa conformité avec le principe de la séparation des pouvoirs.

Quant aux juges de la Cour Suprême nommés après le 6 mars 2018 (la réforme controversée du pouvoir judiciaire) ils participeront également au tirage au sort, à la demande du Conseil de la magistrature composé majoritairement de représentants des autorités législatives et exécutives.

Le mode de désignation du Conseil national de la magistrature (KRS), lequel est en principe le garant de l’indépendance judiciaire demeure très problématique. En effet la procédure de la nomination de ses membres qui accorde le droit d'élection au Sejm de la République de Pologne reste inchangée alors qu’elle a été jugée comme contraire au droit à un tribunal indépendant tant par la CJUE que par la CEDH.

S’agissant de la responsabilité disciplinaire des juges, il est instauré un nouveau délit de « refus d'exercer l'administration de la justice », qui pourra servir de base à l'engagement de la responsabilité disciplinaire des juges pour le contenu de leurs jugements. Le gouvernement n’a donc pas tiré les conséquences de l’arrêt de 2021 aux termes duquel la Grande Chambre de la CJUE a jugé la possibilité de qualifier le contenu des décisions judiciaires d'infraction disciplinaire contraire à l'article 19 TFUE.

Dès lors, il existe de sérieuses raisons de s’inquiéter de l’Etat de droit en Pologne à la lecture de cette réforme essentiellement cosmétique mais la guerre en Ukraine et l’accueil massif des exilés par les Polonais ne sont certainement pas étrangers à l’évolution de la position de l’Union européenne.

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