20 novembre 2025

Le CNB reste fermement mobilisé contre le projet de décret « RIVAGE »

Textes

Réuni en assemblée générale, le CNB réitère son opposition aux principales mesures contenues dans le projet de décret dit « RIVAGE » visant à réguler les instances en voie d’appel pour en garantir l’effectivité, à savoir la suppression du droit d’appel dans certains contentieux, l’augmentation du taux de dernier ressort et l’instauration d’un filtrage des appels. Le CNB reste mobilisé, dans le cadre de la phase de concertation annoncée par le Garde des Sceaux, pour porter les propositions de la profession en faveur d’une refonte globale des « décrets Magendie » en vue d’améliorer le fonctionnement de l’appel en matière civile et de garantir l'effectivité de l’accès au juge.

Le CNB a été saisi, le 13 octobre 2025, pour concertation et retour sous quinzaine, d’un projet de décret « RIVAGE » réformant la procédure d’appel en matière civile, qui prévoit les mesures suivantes :  

  • Le relèvement du seuil du dernier ressort pour relever appel de 5 000 € à 10 000 € devant la plupart des juridictions civiles (tribunal judiciaire, tribunal de commerce, conseil de prud’hommes, etc.) ;
  • La suppression du droit d’appel pour certaines décisions, notamment celles du juge aux affaires familiales sur les obligations alimentaires et pour les baux commerciaux dont le loyer annuel est inférieur à 15 000 € ;
  • Un filtrage des appels avec l’instauration d’un mécanisme permettant au président de la chambre de déclarer d’office un appel manifestement irrecevable, sans débat contradictoire ;
  • L’extension de la tentative amiable préalable obligatoire de l’article 750-1 du CPC : Le seuil passerait également de 5 000 € à 10 000 € pour la tentative de conciliation ou de médiation préalable.

 

La réforme annoncée s’appliquerait aux instances introduites à partir du 1er juin 2026 (sauf pour la tentative amiable préalable, applicable au 1er septembre 2026).

Le CNB a immédiatement dénoncé une restriction majeure du droit d’appel, privant de nombreux justiciables d’un recours effectif, notamment pour les litiges du quotidien (consommation, logement, travail, pensions alimentaires etc.). Ces mesures toucheraient particulièrement les justiciables les plus modestes, qui seraient privés d’accès à la cour d’appel pour des montants significatifs à leur échelle.  

Sur un plan procédural, une telle réforme est aussi porteuse d’effets pervers, avec le risque d’un engorgement des juridictions de première instance, les parties étant incitées à augmenter artificiellement leurs demandes pour franchir le seuil d’appel, mais aussi une multiplication potentielle des pourvois en cassation pour les « petits litiges », et la création de nouveaux contentieux.

En outre, le mécanisme de filtrage proposé, lequel est inspiré du contentieux administratif, est attentatoire au principe du contradictoire et au droit à un procès équitable. Le projet ne précise pas non plus ce qu’on entend par un appel manifestement irrecevable qui serait laissée à la discrétion des cours d’appel, sans réelle régulation.  

Le CNB rappelle aussi dans sa résolution que les réformes procédurales, notamment celles en faveur du développement du recours aux modes amiables de règlement des litiges, ne doivent pas être conçues comme une variable d’ajustement pour absorber le flux des demandes.

Dans le cadre de la phase de concertation annoncée par le Garde des Sceaux dans sa lettre du 30 octobre 2025, faisant suite à la rencontre du 29 octobre avec les représentants de la profession, le CNB formulera des propositions concrètes visant à renforcer l’efficacité de la procédure d’appel, dans le respect des droits des justiciables et des principes essentiels de la justice.  

A ce titre, la profession réclame l’intégration dans cette discussion de la suppression du régime des sanctions automatisées issue des décrets « Magendie », maintenu en l’état par le décret n°2023-1391 du 23 décembre 2023, alors qu’il a largement contribué à l’engorgements des cours d’appel, en dépit d’une baisse de 20% du nombre d’appels en 10 ans.  

Le CNB souligne aussi que cette réforme doit s’accompagner d’une revalorisation de la première instance, essentielle à la qualité de la justice, ce qui passe aussi par un renforcement des moyens humains et matériels. 

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