17 avril 2020

Audition à l'Assemblée nationale relative à la détention

Institution

Auditions de Stéphane Bredin, Jimmy Delliste et Adeline Hazan

Synthèse de l'audition de M. Stéphane Bredin, Directeur de l’administration pénitentiaire

M. Stéphane Bredin :

  • s’inquiète de la situation dans les prisons et indique que des mesures « ont été très rapidement prises afin d’éviter l’entrée et la propagation du virus Covid-19 » afin de « garantir la continuité du service public pénitencier ». Ces mesures ont été adaptées à la situation de l’évolution du virus et « aux consignes interministérielles », « elles-mêmes évolutives ».
  • des consignes été adressées sous la forme « d’une dizaines d’instructions écrites » depuis le 27 et il a lui-même transmis des instructions orales aux directeurs interrégionaux.
  • constate, dans un bref état des lieux, que depuis le début de la crise, parmi les agents pénitentiaires 1 893 signalements ont été réalisés dont 213 cas confirmés et que parmi les détenus 1 330 cas ont été signalés et 76 positifs. Au 14 avril, 65 personnels ont été déclarés positifs et 465 autres présentaient des symptômes sans avoir eu confirmation, 34 détenus étaient confirmés positifs et 433 autres présentaient des symptômes, ces chiffres excluant « les personnes qui ne présentent plus de symptômes, qu’elles aient été diagnostiquées positives au Covid-19 ou non ».
  • considère que compte-tenu « des nombres de cas rapportés au nombre de personnels détenus ou au nombre de personnes détenues, 71 000 au début de la crise, le nombre de cas symptomatiques demeure donc contenu ».
  • déplore la mort d’un premier surveillant à Orléans et d’un détenu à Fresnes et précise que les deux directions interrégionales les plus touchées sont celles de Strasbourg et celle de Paris.
Sur les instructions fournies
  • le passage au stade 3 de l’épidémie a impliqué que l’effort se porte sur le repérage, le diagnostic, le confinement et la prise en charge des détenus infectés tout en application maximale des mesures sanitaires
  • l’identification des personnels détenus vulnérables
  • le confinement de tous les cas suspectés ou avérés dans des quartiers ou des cellules spécifiques
  • la réduction des mouvements et des circulations en détention, ayant eu un impact majeur sur la vie des prisons avec la suspension d’activités
  • la réalisation de promenades en groupes réduits
  • le rappel régulier des mesures barrières en détention.
Sur la prise en charge médicale

(définie par des directives conjointes de la direction générale de la santé et de la direction de l’administration pénitentiaire, qui ont déclinés les mesures nationales en prenant soin de les adapter à la situation carcérale)

  • les détenus ayant des symptômes font l’objet d’une consultation à l’unité sanitaire avec port du masque remis au détenu.
  • les détenus malades sont vus quotidiennement par un soignant dans des cellules dédiées, tous deux portant un masque.
  • le détenu est isolé mais autorisé à accéder à des promenades dédiées, c’est-à-dire dans les cours de promenades réservées avec le port d’un masque de protection.
  • le groupement de plusieurs détenus malades est autorisé par la doctrine sanitaire, citant l’exemple de Colmar.
  • les mesures liées à l’hospitalisation sont les mêmes que celles à l’extérieur, tout en précisant que les hospitalisations qui ne relèvent pas de la réanimation sont réalisées dans une unité hospitalière sécurisée interrégionale afin de « ne pas encombrer le secteur hospitalier classique »
  • la question des tests vient d’être précisée par une instruction des ministres de la Santé et de l’Intérieur du 9 avril dernier qui identifie les personnels pénitentiaires et les détenus parmi les personnes prioritaires, tout en positionnant les préfets en lien avec les ARS, sur la préparation et l’accompagnement du déploiement des tests.
Sur les mesures prises pour la protection des agents
  • rappel des gestes barrières
  • approvisionnement en gels hydroalcooliques et en masques, avec des commandes importantes réalisées : « il n’y aura pas de ruptures de stocks pour toute la durée de la crise sanitaire ».
  • généralisation du port des masques dès le 28 mars pour tous les personnels au contact direct ou prolongé de la population carcérale, à charge pour les directeurs des établissements de préciser qui doit le porter ou non.
  • mobilisation des capacités de production des ateliers de production des prisons, qui ont atteint une capacité de production de 6 000 masques par jour en fin de semaine dernière.
  • compte-tenu des achats et des productions, la DAP a acquis la garantie raisonnable d’être autosuffisant en termes de masques pour les prochaines semaines et même jusqu’à une période très avancée du mois de juin.
Sur la sécurité
  • les établissements ont connu plusieurs mouvements collectifs, qui sont restés généralement très limités mais plusieurs d’entre eux ont nécessité l’intervention des IRIS voire l’appui de forces locales de police ou de gendarmerie, ainsi qu’une mutinerie.
  • les revendications ont peu portés sur les parloirs mais beaucoup plus sur les mesures sanitaires.
  • l’administration pénitentiaire a puni ces actes par plus de 140 sanctions disciplinaires et l’autorité judiciaire a sévèrement réprimé ces actes par des peines fermes.
Sur les mesures d’accompagnement
  • la gratuité de la télévision.
  • un crédit de 20 euros en mars et de 40 euros sur l’ensemble des comptes téléphoniques des détenus, ce qui équivaut à 11h de communication gratuite par mois et par détenu, essentiellement utilisés pour contacter les familles et les avocats, et la consommation de téléphonie a augmenté de 230 % dès l’instauration de ces mesures.
  • créé un service de messagerie qui permet aux proches, ou aux avocats de laisser des messages aux détenus.
  • des mesures de secours aux détenus aux revenus insuffisants, en doublant le montant versé de 20 à 40 € et le nombre des bénéficiaires est passé à 37 000 détenus.
  • ces mesures seront reconduites tant qu’il n’y aura pas de parloirs.
Sur la mise en œuvre de l’ordonnance « délais »
  • offre à certains condamnés des perspectives et à court-terme des assignations à résidences en fin de peine pour les reliquats inférieurs à deux mois et les réductions de peines exceptionnelles pour les reliquats de 2 à 6 mois.
  • mobilise fortement les équipes pénitentiaires, rencontre un écho favorable dans les personnels judiciaires.
  • l’impact sur les détentions est très fort puisqu’avant l’entrée en vigueur de cette ordonnance, du fait du ralentissement de l’activité judiciaire et l’entrée en vigueur de la circulaire du 14 mars de la garde des Sceaux, la moyenne des écrous à fortement baissé passant de 214 écrous par jour à 80 alors qu’en parallèle le nombre de sorties a augmenté, par une politique active des juges d’application des peines, passant de 9 sorties par jours à 404 en moyenne.
  • ce double phénomène a permis de conduire à une diminution de 9 923 détenus depuis le 16 mars, parmi lesquels 3 335 prévenus, réduisant la densité carcérale à 103 % et dans les maisons d’arrêt à 116 %.
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