07 juillet 2017

Soirée des 25 ans du Conseil national des barreaux, 5 juillet 2017, Cercle national des armées, Paris

Institution

Retrouvez le discours de Pascal Eydoux prononcé à l'occasion de la soirée anniversaire des 25 ans du Conseil national des barreaux, le 5 juillet 2017 au Cercle national des armées à Paris.

Pascal Eydoux, président du Conseil national des barreaux © Brian du Halgouet

Mesdames et Messieurs les Hautes personnalités,

Messieurs les Présidents,

Mesdames et Messieurs les bâtonniers,

Chers Confrères,

Distingués invités,

C’est un honneur et une grande fierté de vous retrouver ce soir pour célébrer les 25 ans du Conseil national des barreaux.

Que chacune des hautes personnalités qui ont accepté de nous rejoindre soit remerciée de l'intérêt qu'elle manifeste ainsi à l'égard de notre institution représentative et des avocats dans leur ensemble.

Je suis heureux que cette manifestation nous offre la chance de rassembler des membres de toutes les mandatures du Conseil national.

Vous montrez ici votre attachement et votre fidélité à notre institution.

Ce 25ème anniversaire est une étape importante qui révèle la pérennité à laquelle notre institution nationale est parvenue en dépit de certaines difficultés.

Chaque Président, chaque membre du Conseil national a pris sa part dans la construction et l’affirmation de cette pérennité.

Permettez-moi d'ajouter à ces constats la conviction qui est la mienne, selon laquelle, au-delà de la permanence, de l'assise et de la maturité auxquelles nous sommes parvenus, nous devons concevoir des évolutions qui apparaissent à chacun indispensables pour que la profession d’avocat soit toujours plus forte, plus unie et par conséquent mieux respectée.

La création du Conseil national des barreaux a été mouvementée.

En 1990, lors de la discussion de la loi de fusion des professions d’avocat et de conseil juridique qui a donné naissance au Conseil national des barreaux, le législateur a manifesté une intention claire : il a voulu un représentant et un porte-parole unique pour la profession d’avocat auprès des pouvoirs publics.

Dans un rapport de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, le député Philippe Marchand insistait sur la nécessité de parvenir à une organisation cohérente d’une profession efficace.

Les positions étaient tranchées.

Les conseils juridiques étaient organisés et représentés nationalement. Ils étaient naturellement favorables à une institution nationale.

Ce n’était pas le cas de la profession d’avocat.

L'ordre des avocats de Paris n'était pas favorable à une instance nationale tandis que la Conférence des bâtonniers admettait qu’elle pût avoir une utilité.

La méfiance envers l’institution nationale à venir exprimait la crainte d’une mise sous tutelle des barreaux ou d’une atteinte à leurs prérogatives.

Après quelques péripéties propres à la procédure parlementaire et aux tensions internes à la profession, le Conseil national des barreaux a été créé par la loi du 31 décembre 1990.

Il a commencé à travailler en janvier 1992.

Dans l’histoire de notre profession, il s’agit d’une véritable révolution institutionnelle, à la mesure de ce « nouvel homme de droit » – pour reprendre les termes de Michel Pezet, alors rapporteur de la loi de 1990 – que le législateur a voulu créer.

C’est évidemment l’intérêt de la profession d’avocat que de disposer d’une institution nationale unique, unie et forte la représentant.

C’est aussi et surtout l’intérêt du public puisque le Conseil national lui garantit la présence universelle d'une profession réglementée au service de ses intérêts.

La vie du Conseil national des barreaux, elle aussi, a été mouvementée, mais ses Présidents et ses membres ont su lui apporter la stabilité et l’autorité indispensables à ses actions.

25 ans.

8 mandatures.

9 Présidents.

Une Présidente par intérim.

16 vice-présidents.

6 vice-présidents de droit.

Plus de 600 avocats élus membres du Conseil national des barreaux.

Chaque Président a, selon sa personnalité, apporté sa vision de la fonction, forgeant son expérience institutionnelle et faisant front aux défis auxquels notre profession a toujours été confrontée.

Chacun a fait évoluer l’institution, l’a développée, l’a renforcée.

Je laisse aux historiens le soin de trancher si, pour employer une expression à la mode, chacun à sa manière peut se revendiquer « jupitérien »…

Mais je leur recommande de retenir en tout cas que présider cette Maison est une extraordinaire aventure qui ne ressemble en rien à une sinécure.

Que chacun des Présidents soit ici remercié pour sa foi dans la nécessité de cette institution nationale qui porte la voix réunie des avocats et de leurs barreaux.

De même chacun des membres du Conseil national doit être chaleureusement remercié pour un engagement désintéressé au service l’intérêt général de notre profession.

Vous avez tous connu des périodes difficiles, celles où le Conseil national était contesté mais devait dans le même temps combattre des textes ou des projets de réforme, imposer ses propositions, unifier le champ d'investigation et d'intervention.

Ce temps vous a permis de vivre et d'expérimenter la fraternité qui se forge dans l'unité du combat, qui crée l’identité commune et qui rédige l’histoire.

Vous avez traité des questions mettant en jeu les principes fondamentaux comme des questions les plus techniques.

Vous avez géré l'évolution des prérogatives du Conseil national à qui notamment le pouvoir réglementaire en matière déontologique a été conféré.

Votre vision et votre travail ont eu et auront encore un impact profond et durable sur l’exercice de la profession.

Je tiens aussi à saluer tous ceux qui travaillent ou ont travaillé au sein de l’administration du Conseil national des barreaux depuis sa création.

Ils sont les permanents qui nous aident chaque jour à remplir nos missions d’élus.

Leur investissement constant, compétent et toujours dévoué aux causes de la profession mérite notre reconnaissance.

Ils tissent les liens des mandatures successives.

Je les remercie chaleureusement.

Enfin, pour le Conseil national des barreaux, le temps – 25 ans – est indissociable de l’espace. Les lieux de l’institution disent aussi beaucoup de son évolution et de sa montée en puissance :

  • Rue du Rocher : un appartement pour les premiers temps de l’institution ;
  • Boulevard Pereire : une maison de ville en attendant mieux ;
  • Rue de la Paix : 3 étages si proches de la Place Vendôme
  • Rue de Londres : un ancien siège de la Fédération française de foot, mais, bien sûr, pas seulement cela !
  • Et très bientôt Boulevard Haussmann où l’histoire reste à écrire.

Le Conseil national des barreaux doit changer et évoluer.

Tels sont les fondements sur lesquels nous devons assumer la responsabilité de notre évolution nécessaire.

Ma conviction est que nous devons profiter de la maturité de notre institution nationale pour la faire évoluer afin que notre profession soit toujours plus unie et partant mieux respectée dans l'ensemble de ses champs de compétence tant il est vrai que le respect ne se revendique jamais mais se mérite toujours.

A la fin de l’année 2016, Jean-Jacques URVOAS, ministre de la justice, relevait que notre « expression s’affaiblit quand pour défendre (nos) intérêts, (nous faisons) appel à plusieurs voix ».

Il nous a appelé à « réfléchir aux modalités de (notre) représentation ».

Il relevait que, « entre les barreaux, dont celui de Paris, et le Conseil national des barreaux, le rapport relève encore trop souvent de la concurrence, alors que c’est la complémentarité qui devrait logiquement être son maître-mot.

Le Conseil national des barreaux est l’instance représentative des avocats. Il est important qu’il soit conforté dans cette mission. Dans les faits, comme il l’est en droit, les avocats gagneraient à ce que le CNB soit l’instance unique de représentation de leur profession ».

Je vois dans ces propos l’appel au renouvellement d'une grande ambition pour qui connaît la profession d’avocat.

Dans le même temps j'affirme mon enthousiasme intact pour la réaliser puisque nous savons que nos confrères ne comprennent pas et n’acceptent plus les postures improductives, les divisions qui nous affaiblissent, la critique facile du Conseil national et la contestation récurrente de la légitimité des décisions qu’il prend.

Ils savent que leur institution représentative ne concurrence en rien leurs ordres qui les assistent et régulent leur exercice, concevant parfaitement la complémentarité nécessaire des fonctions de chacun.

C'est pourquoi au terme de ces 25 années, il me semble que le temps est venu de poser les règles d'une mutation du Conseil national des barreaux.

Je ne parle pas d’une transformation superficielle, marginale ou cosmétique.

Changer de nom et s’appeler par exemple "ordre national des avocats" ne suffirait pas.

La mutation sera plus profonde, plus substantielle procédant d'une évidente révolution culturelle et des mentalités.

Elle ne se fera pas contre les ordres ou les barreaux ou contre les syndicats ou contre les associations représentatives des courants d'exercice professionnel.

Elle se fera pour que notre voix porte, pour qu’elle soit puissante et exprime la volonté d’une profession unie au sein d’une institution représentative et efficace.

Une institution à même de dessiner un avenir commun.

L'avenir des leaders sur le marché concurrentiel du droit et des services juridiques permettant à chaque avocat entrepreneur de promouvoir chaque jour son exercice.

Cette unité procèdera de la simplification du mode de scrutin rapprochant les élus de l’ensemble des avocats qui doivent les élire au suffrage universel.

Ce mode est le seul de nature à représenter au sein de l'institution nationale toutes les forces politiques de la profession.

J’en suis convaincu et que personne ne se méprenne, le barreau français, son identité et sa représentation ne sont pas réductibles à l’ordinalité.

Les ordres, indispensables, régulent l'exercice, protègent l'avocat, organisent les missions.

Ils maillent le territoire permettant aux avocats d'être présents partout.

La représentation politique de la profession est au-delà.

Les syndicats et les associations représentatives de courants d'exercice, ont une place et un rôle essentiels.

Leur travail est fondamental, il est remarquable, il est indispensable.

Parce que la diversité de notre profession est un atout extraordinaire, une très grande richesse, l'adhésion des 67000 confrères à une représentation unitaire procède de la reconnaissance et de l'expression politique de tous.

Elle est un atout en France, en Europe et dans le monde comme le démontre l’investissement international du Conseil national.

Cette reconnaissance devrait conduire naturellement à un changement de nom de notre institution qui représente les avocats et non plus seulement les barreaux.

Elle devrait conduire à revoir paisiblement l'intérêt ou non de vice-présidences de droit, sujet qu'il sera utile d'aborder avec autant de tolérance que moins de complaisance.

Et que nul ici ne voit dans mes propos la moindre provocation.

Le droit positif est celui des articles 17 et 21-1 de la loi du 31 décembre 1971.

Le premier définit le rôle des ordres et leurs responsabilités, multiples, qui leur imposent un investissement considérable.

Personne ne conteste ces prérogatives que l'institution nationale ne pourrait investir qu'à la demande des intéressés.

Telle n'est pas l'actualité prévisible.

Ces responsabilités se conjuguent avec la seule exigence de la mise en œuvre des décisions du Conseil national.

Le second de ces textes définit le rôle et les prérogatives du Conseil national.

Telle est la loi.

Elle n'aborde rien qui définisse une concurrence.

Elle consacre la complémentarité nécessaire.

Nous devons enfin prendre garde de ne pas oublier les conséquences d’une institution nationale ainsi rénovée sur les organismes techniques de la profession, qui sont en charge, par exemple, des CARPA ou de la retraite.

Ces questions sont évidemment liées à la nécessité d’organiser le transfert de compétences, de pouvoirs et de moyens financiers et humains vers l’institution nationale pour qu’elle remplisse l’ensemble de ses missions au service des avocats et des barreaux.

La seule ambition du Conseil national est celle de représenter la profession, porter sa voix, être pour elle l’interlocuteur des pouvoirs publics :

Il s'agit de construire un message politique et l’expliquer pour convaincre nos interlocuteurs.

Anticiper et définir la stratégie sera d’autant plus facile et efficace que l’institution nationale continuera à fédérer les diversités dans une unité tendue vers l’intérêt général.

Représenter et agir c’est promouvoir notre pouvoir d’autorégulation sans faillir, l’étendre à la discipline et à la tenue de la liste nationale des avocats.

C’est continuer à mettre en œuvre notre pouvoir réglementaire pour définir et poser nos règles déontologiques.

C’est continuer à développer les solutions mutualisées et les services techniques afin qu’à l’heure de la révolution numérique il n’y ait pas de fracture entre les avocats.

C’est développer nos instruments de réflexion et de prospective pour être proactifs et proposer des évolutions de notre droit dans le cadre d’un lobbying structuré et efficace.

C’est probablement gérer à terme une CARPA nationale afin d’augmenter les ressources des ordres qui disposeront ainsi de plus grandes marges de manœuvre pour remplir leurs missions au plus près de leurs avocats.

C'est concevoir que l'unité est le produit d'un investissement commun responsable et tolérant.

* *

*

Puis-je espérer qu'en vous confiant avec autant de conviction que de liberté et de franchise la vision que le mandat que vous m'avez confié m'inspire, une prise de conscience d'une aspiration majoritaire à une représentation nationale indispensable nous réunisse ?

Il appartiendra sans doute à nos successeurs d’écrire cette page de notre profession.

Sans plus tarder pourvu qu'au moins nous ayons pu les inspirer.

L'envie est celle de donner un nouveau souffle à notre profession, à nos confrères.

Le désir est celui de grandir davantage pour devenir tous les jours plus forts dans un monde inquiétant davantage chaque jour pour la préservation des libertés.

La crainte est toujours celle de ne pas réussir.

L'ambition est de juguler les craintes, affermir sa volonté, à 25 ans devenir un partenaire fier de ses projets.

La réalité c'est être avocat partout et pour tous. Innovant toujours. Conquérant sans cesse.

Nous le démontrerons une fois encore lors de notre convention nationale.

Je vous remercie.

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