24 octobre 2017

Discours de Pascal Eydoux lors de la visite du Premier ministre à la Convention nationale des avocats, 20 octobre 2017, Bordeaux

Monsieur le Premier ministre,

Monsieur le Préfet,

Mesdames et Messieurs les Parlementaires,

Monsieur le Maire de Bordeaux,

Mesdames et Messieurs les Hautes personnalités,

Mesdames et Messieurs les représentants des 43 délégations du monde entier,

Chers Confrères,

Monsieur le Premier ministre,

Nous sommes très heureux de vous accueillir à l’occasion de la 7ème Convention nationale des avocats.

Vous êtes le premier Premier ministre à nous faire l’honneur de sa présence depuis la création du Conseil national des barreaux.

Vous venez à la rencontre d’une profession forte de 68.000 avocats. La plus nombreuse, la plus diverse et la plus ouverte des professions du droit.

Une profession

  • jeune avec une moyenne d’âge de 43 ans ;
  • la plus féminisée, et de loin, des professions juridiques et judiciaires : 55% des avocats sont des femmes ;
  • entreprenante ;
  • dynamique ;
  • en passe de réussir la transition numérique.

Le Conseil national des barreaux :

Le CNB fête ses 25 ans cette année.

Il a pour rôle de représenter la profession d’avocat auprès de vous, auprès de tous les pouvoirs publics.

Il est le représentant politique de la profession, le seul.

Il est en charge de sa règlementation.

Les ordres d’avocats maillent le territoire quelle que soit leur taille.

Ils assurent quant à eux la régulation de l’exercice dans leurs ressorts respectifs.

Vous aurez peut-être entendu dire que la profession d’avocat s’exprime parfois dans la diversité.

Le CNB est cependant celui qui porte la responsabilité de la définition et de l’expression de l’intérêt général.

Lui seul engage la profession.

Sa représentation politique ne se réduit pas à l’ordinalité.

Elle inclut l’expression des syndicats et des associations représentatives des courants d’exercices professionnels.

La réforme de la Justice

Vous venez de lancer « les chantiers de la justice » qui vont notamment vous servir pour élaborer la loi quinquennale de programmation des moyens de la justice présentée en 2018 et que nous avons appelée de nos vœux.

Les thèmes retenus pour nos réflexions et nos travaux, « économie, numérique et territoires : les nouvelles stratégies pour l’avocat », montrent la conscience que nous avons des enjeux politiques, juridiques et économiques liés à la justice ainsi qu’à notre fonction dans la société et notre Etat de droit.

Ces thèses nous permettent de nourrir l’ambition de notre participation à l’élaboration de cette loi.

Il en est d’autant plus ainsi que dans un contexte d’évolution inéluctable de notre exercice professionnel nous travaillons sur ses outils structurels.

L’exercice professionnel

Il s’agit notamment :

  • des sociétés pluriprofessionnelles d’exercice,
  • de la fin de l’unicité d’exercice,
  • de la possibilité d’ouvrir un bureau secondaire dans les locaux d’une entreprise.

Oui, Monsieur le Premier ministre, les avocats vous le voyez sont des entrepreneurs.

En tant qu’entrepreneurs innovants, ils ont diversifié leur offre :

  • lobbying ;
  • champ d’activité professionnelle étendu ;
  • prestations juridiques en ligne et sites Internet ;
  • commercialisation, à titre accessoire, de biens et services connexes à l’exercice de la profession ;
  • investissement dans la justice prédictive.

Nous démontrons ainsi notre dynamisme et notre capacité à embrasser la nouvelle alliance qui est la nôtre, avec le public, tout le public, individus et acteurs économiques, de toute taille et où qu’ils se trouvent, en France, en Europe et dans le monde.

Cette évidence s’impose d’autant plus que l’un des enjeux essentiels réside dans notre capacité à intégrer et à développer nous-mêmes des outils technologiques capables de faciliter notre exercice professionnel, ainsi que de savoir comment y intégrer l’intelligence artificielle.

Il ne s’agit plus seulement de créer de simples sites qui vont proposer des services ordinaires à une clientèle blasée dont les besoins ont changé.

Nous devons proposer des services différents et meilleurs que ceux des marchands.

Ce sont ici les enjeux de l’acte contresigné par avocat 100% numérique, de notre investissement dans la « Blockchain » ou les « smart contracts », la justice prédictive et le traitement coordonné et intelligent du « big data ».

Nous devons achever notre révolution intellectuelle, notre révolution culturelle et nous devons parachever notre révolution économique en investissant dans les « legal techs ».

Nos incubateurs démontrent combien nous en sommes capables. Ils sont une formidable démonstration de notre mouvement.

Le Conseil national doit veiller à ce que chaque avocat puisse disposer d’un égal accès à cette offre pourvu que chaque confrère en ait intégré la nécessité.

Avocats gardiens des libertés

Vigies des libertés nous l’avons toujours été.

Cette vigilance nous l’exerçons constamment.

Encore ces jours-ci, pour vous dire que les box vitrés systématiques dans les salles d’audience ne sont pas acceptables, pas plus que ne saurait l’être la salle d’audience délocalisée du TGI de Bobigny dans la zone aéroportuaire de Charles de Gaulle pour y juger les étrangers placés en zone d’attente.

Il en va de la dignité, des droits de la défense et des droits fondamentaux du procès équitable de ceux qui sont jugés.

De même, nous n’acceptons pas cette tyrannie de la transparence qui vient justifier les atteintes incessantes au secret professionnel qui nous oblige envers nos clients.

Si nous demandons le respect absolu du secret, ce n’est pas pour cacher d’éventuelles turpitudes d’avocats ou de nos clients, ni pour en être complices. C’est pour permettre à chacun de pouvoir disposer, dans la plus grande confiance d’un conseil et d’une défense, libres et indépendants, qui leur sont reconnus et garantis par nos règles constitutionnelles et conventionnelles.

L’avocat créateur de droit

Cette compétence est vraie lorsque nous sécurisons juridiquement les particuliers et les acteurs économiques dans leur situation et leur développement.

Il s’agit :

  • des conseils à tous les stades de l’existence personnelle et professionnelle ;
  • de la médiation et de la création par le Conseil national des barreaux du Centre National de Médiation des Avocats (CNMA) ;
  • de la procédure participative
  • de tous les modes qui nous identifient, comme une alternative au juge et non une contrainte de conduite vers le juge.

L’encadrement de l’économie par le droit a évolué avec de nouveaux modes de production du droit et les mécanismes de régulation.

Nous passons à un modèle de société contractuelle dans laquelle les avocats ont une place centrale en tant que professionnels du contrat. L’avocat crée la loi en créant le contrat.

Dans cette perspective, l’acte contresigné par avocat est un outil majeur et porteur de la sécurité juridique que recherchent les particuliers et les acteurs économiques.

Monsieur le Premier ministre, il ne lui manque que la force exécutoire, je le rappelais hier à Madame la Ministre de la Justice !

La loi confère cette force exécutoire aux homologations par les Directeurs de CAF. Le Président de la Commission des Lois du Sénat la propose pour les procès-verbaux des conciliateurs de justice.

Admettons dans un tel contexte que les avocats méritent une autre considération qu’un refus opposé à leur demande légitime.

L’avocat en lien indissoluble avec le public

L’accès à la justice et au droit que l’Etat doit garantir et que l’avocat assume pose la question des moyens humains et matériels de la justice.

Depuis plusieurs années, nous savons et vivons les contraintes budgétaires de l’Etat qui n’épargnent pas la justice et son financement et conduisent à un désengagement progressif de certaines missions ainsi qu’à une volonté de recentrer les juges sur leur mission première de trancher les litiges.

Cependant, ce qui est en cause c’est l’aide qui doit être apportée à celles et ceux qui ont besoin d’exercer leur droit fondamental d’accéder au droit et à la justice.

Dans le cadre des discussions qui reprennent avec Madame la Ministre de la Justice, nous avons espoir que cette question lancinante trouve une issue satisfaisante, notamment parce qu’un dialogue entre les ministères de la Justice et des Finances semble être à l’ordre du jour.

* * *

Monsieur le Premier ministre,

Nous sommes engagés, comme vous, pour une justice forte, efficace, respectée, respectueuse des droits et des libertés de chacun.

Animés par des objectifs ambitieux pour eux-mêmes et, au-delà et par conséquent, pour le public, les avocats prennent toute leur place dans cette justice que vous souhaitez améliorer et simplifier.

Nous sommes prêts à vous accompagner dans cette voie.

Nous le ferons d’autant mieux que vous avez déclaré, voici quelques jours, qu’en matière de santé vous entendiez que la République garantisse à tout citoyen un égal accès aux soins.

Nous ne doutons pas que vous nous confirmerez que la République doit assurer aussi à chaque citoyen un accès égal au droit et à la justice.

Les avocats entendent travailler avec vous dans une démarche résolue de rénovation des espaces fédérés par les seules valeurs de la République.

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