13 mars 2017

Colloque Commun CNB-CNCEJ - 10 mars 2017, Paris

Retrouvez le discours de Pascal Eydoux prononcé à l'occasion du colloque commun CNB-CNCEJ le 10 mars 2017 à la Maison de la Chimie.

Monsieur le Procureur général près la Cour de cassation,
Monsieur le Président du conseil national des compagnies d’experts de justice,
Mesdames et Messieurs les hauts magistrats,
Mesdames et Messieurs les Bâtonniers et Présidents de Compagnies d'experts,
Mesdames et Messieurs les Experts,
Mesdames et Messieurs les professeurs,
Chers Confrères,
Distingués invités,

C’est avec un plaisir renouvelé que j’ai l’avantage d’ouvrir le colloque annuel organisé conjointement par le Conseil national des compagnies d'experts judiciaires et le Conseil national des barreaux.

Ensemble, avocats et experts ne sont plus les acteurs d’un procès. Ils sont les acteurs d’une situation et les acteurs de sa solution.

Vous avez choisi cette année le thème de la conciliation.

Elle participe d’un constat parmi d’autres.

Le justiciable n’attend pas une vérité qui lui serait imposée. Il veut participer à l’élaboration de la solution.

La contractualisation du différend est en œuvre qui lui évite de devenir systématiquement un contentieux.

1) Ce sujet nous est cher car il rejoint nos préoccupations et notre volonté plus large de voir se poursuivre et s’intensifier le recours aux modes amiables de règlement des différends.

Nous partons d’un constat simple : dans le cadre d’une judiciarisation constante de notre société, l’Etat a choisi, notamment pour des raisons que nous connaissons bien de crise des finances publiques, de recentrer les juges sur leur mission première de juger, de trancher les litiges en application de la règle de droit.

Tenant compte de cette situation, l’Etat veut favoriser le recours aux modes amiables de règlement des litiges : procédure participative, médiation, conciliation.

La profession d’avocat s’est résolument engagée dans la promotion de ces voies alternatives. Elle y voit :

  • La possibilité de sécuriser ces procédures amiables grâce à la plus-value de sa déontologie.
  • Un moyen efficace de libérer le juge de tâches qui peuvent être accomplies par les avocats et qu’il viendra simplement homologuer.
  • L’opportunité de développer une autre image auprès du public, en mettant en lumière l’importance de son rôle de conseil et de stratège dans le cadre d’une justice négociée pour tout prévoir afin d’éviter le contentieux et tout envisager afin d’éviter le procès.

Cela nous a conduit à créer le Centre national de médiation des avocats.

L’objectif est de replacer l’avocat au cœur du dispositif de médiation en informant le public des garanties que lui offre la présence de l’avocat en médiation et en mettant à la disposition de nos confrères les outils utiles pour développer leur pratique de la médiation.

Le temps n’est pas à la satisfaction d’une mode. Il est à l’investissement dans une offre différente, qui associe le public à la décision qui le concerne.

2) Mais allons un peu plus loin dans le bref temps qui m’est imparti pour vous faire part de nos convictions en la matière.

2.1. En premier lieu, il est probablement nécessaire de rappeler et d’insister sur le fait que l’incitation à recourir aux MARD n’est pas un acte de défiance envers le juge. En effet, à côté du juge qui tranche au nom de l’Etat, il existe de la place pour une procédure différente de règlement des différends qui participe du fonctionnement régulé et pacifié de notre société et des relations entre ses membres, personnes physiques et acteurs économiques. Et cela vaut tant pour la prévention que pour la résolution des litiges.

Ainsi, le recours aux modes amiables de règlement des différends – MARD – peut être appréhendé comme un acte de confiance envers les acteurs et les parties prenantes à la négociation qui s’engage, qui rempliront pleinement leur fonction grâce à leur déontologie exigeante et au secret professionnel auquel ils sont tenus et qui permet de protéger le contenu des échanges.

Ces acteurs sont les avocats et les experts qui aident les parties à trouver elles-mêmes la solution à leurs difficultés.

2.2. En deuxième lieu, les MARD sont une réponse en termes de délai raisonnable de traitement de contentieux particulièrement longs (construction, dommage corporel par exemple).

Ils sont aussi une réponse en termes de coût.

Ils sont aussi une réponse en termes d’aléa.

Ils nous permettent peut-être d’aborder sans trop d’inquiétude le devenir de l’interprétation de la règle de droit : nous savons que la justice prédictive est à portée de vue.

La dimension du gain de temps, qui n’a pas qu’un aspect procédural et économique, est une importante composante psychologique qui ne doit pas être négligée et qui permet de résoudre, ou à tout le moins d’atténuer, certaines tensions.

Les modes de règlement des conflits, par leur nature plus horizontale, plus souple et plus rapide, permettent d’éviter l’engorgement manifeste des juridictions tout en répondant à la nécessité de garantir l’accès à la justice et l’effectivité des droits.

Cela implique aussi d’avoir un accès privilégié et rapide au juge pour pouvoir homologuer les décisions auxquels conduit la mise en œuvre des MARD.

2.3. En troisième lieu, et pour les experts en particulier, l’un des éléments essentiels pour le développement des modes amiables de règlement des litiges réside dans le fait que les parties prenantes soient accompagnées tout au long de ces procédures par des professionnels compétents et rompus à ces questions, et qui, en outre, apportent toutes leurs garanties liées à leur déontologie et particulièrement au respect de la confidentialité et du secret.

Nous retrouvons là les thèmes des trois tables rondes de notre rencontre aujourd’hui : conciliation et expertise, compétence des acteurs impliqués dans la conciliation et les exigences déontologiques qui s’imposent à eux.

2.4. Enfin, nous voyons avec intérêt l’approche que développe la justice administrative pour la mise en œuvre des modes amiables de règlement des différends en matière administrative.

Il est heureux que la justice administrative ne soit pas en reste et que l’expert-médiateur ait récemment fait son entrée dans le code de justice administrative à la place de l’expert-conciliateur.

3) L’expert a donc sa place dans cette réflexion sur le recours aux MARD.

L’expertise est de plus en plus perçue comme un des modes amiables de règlement des différends. En effet, le travail de l’expert peut servir à rapprocher les parties et il arrive que l’expertise se termine sur une transaction. Je rappelais lors d’une précédente rencontre que près de 80% des expertises en référé ne donnent pas lieu à une saisine au fond.

Dans cette perspective, l’expert doit être pas un acteur de conciliation. Les parties ont besoin de l’apport technique de l’expert pour s’orienter ensuite vers une conciliation.

Le rôle de facilitateur de l’expert dans la recherche d’une solution négociée par les parties avec leurs avocats grâce aux éléments techniques fournis posera aussi la question des limites et des risques liés à la formulation par l’expert d’avis et de préconisations ainsi que leur réception par les parties et leurs avocats. De cela vous avez notamment discuté en 2015.

Au terme de ces propos d’ouverture, je forme le vœu que les experts et les avocats continuent à travailler sur ces questions afin de les faire progresser pour le bénéfice personnes physiques et morales confrontées à la justice. Nous pouvons être fiers de ce partenariat réussi et utile et de ces rencontres annuelles pérennes.

Je vous souhaite d’excellents et fructueux travaux.

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