20 juillet 2023

Projet de loi Justice : que faut-il retenir avant l'examen des textes en commission mixte paritaire ?

Actualités législatives

Après l'adoption des deux projets de loi Justice, les textes feront l'objet d'un examen en commission mixte paritaire en octobre.

L’Assemblée nationale vient d’adopter le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice 2023-2027 (388 votes contre 111) et le projet de loi organique relatif à l'ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire (439 votes contre 65).

Le gouvernement ayant engagé la procédure accélérée, les textes feront l’objet d’un examen en commission mixte paritaire début octobre, après le renouvellement sénatorial de fin septembre.

Les principales mesures des textes en discussion pour la commission mixte paritaire

Le PJL prévoit dans le rapport annexé au texte une trajectoire budgétaire du ministère de la justice de 2023 à 2027, validée par les députés :

  • Le budget du ministère atteindra 10.748 milliards en 2027 (en 2023 : 9.579 ; en 2024 : 10.081 ; en 2025 : 10.681 ; en 2026 : 10.691 milliards) ;
  • Les créations nettes d’emplois du ministère de la justice sont fixées à +10 000 équivalents temps plein d’ici 2027, dont +1 500 magistrats et +1 500 greffiers supplémentaires, et dont +605 équivalents temps plein recrutés en gestion 2022 au titre de la justice de proximité

En matière pénale

Les parlementaires ont validé le principe de :

  • l’habilitation donnée au gouvernement pour modifier à droit constant le code de procédure pénale ;
  • l’activation à distance d’un appareil électronique à l’insu de son propriétaire ;
    • Point de divergence entre les députés et les sénateurs : les sénateurs avaient limité la portée de ce dispositif aux seuls délits sanctionnés de 10 ans de prison, contrairement aux députés qui souhaitent, comme le proposait le texte initial du Gouvernement, que le dispositif s’applique aux délits sanctionnés de 5 ans de prison.
  • le recours aux technologies de télécommunication lors des gardes à vue, pour l’exercice du droit à un examen médical et à un interprète ;
    • Point de divergence entre les députés et les sénateurs : les députés ont supprimé la condition ajoutée par le Sénat prévoyant que seules les personnes ayant préalablement fait l'objet d'un examen physique lors de la garde à vue pourront faire l’objet de cette mesure.
  • le principe des perquisitions en dehors des heures légales ;
    • Point de divergence entre les députés et les sénateurs : les députés ont supprimé la restriction, établie par les sénateurs, de la condition tirée du risque d’atteinte à l’intégrité physique ou à la vie, au seul cas de danger imminent.

Sur la justice économique

Les parlementaires ont confirmé le principe de :

  • L’expérimentation des tribunaux des activités économiques
    • Point de divergence entre les députés et les sénateurs : les députés ont rétabli l’exclusion des avocats du champ d’application des tribunaux des activités, alors que les sénateurs avaient introduit les avocats dans le champ.
  • L’instauration d’une contribution économique obligatoire pour les entreprises :
    • Un barème sera défini par décret en Conseil d’État, dans la limite de 5 % du montant des demandes cumulées au stade de l’acte introductif d’instance et pour un montant maximal de 100 000 euros ;
    • A l’initiative des députés, les personnes physiques et les personnes morales de droit privé employant moins de 250 salariés seront exclus de la contribution.

Sur la déjudiciarisation des saisies sur rémunération

Les députés ont supprimé l’article 17 du texte adopté, alors que les sénateurs avaient voté et adopté cette mesure telle que proposée par le Gouvernement dans le texte initial.

Sur l'accès à la profession d'avocat

Les députés ont validé le principe de l’accès à la profession d’avocat au Master 2, tout en permettant l’entrée à l’école d’avocat d’un étudiant titulaire d’un master 1 en droit.

Sur la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprises

Les députés ont adopté le principe de la confidentialité des consultations juridiques des juristes d’entreprises, dans un dispositif modifié par rapport à l’introduction par l’amendement Marseille au Sénat.

Sur l'accès à la magistrature

  • le principe de la simplification des voies d’accès à la magistrature pour les avocats est entériné:
    • Après quinze années pour l’accès au poste de magistrat en service extraordinaire ;
    • Après vingt-cinq années d’activité dans le cadre d’une intégration directe hors hiérarchie (nouveau 3ème grade).
  • Les députés ont adopté le moratoire sur les quotas de recrutement par la voie du concours professionnel applicables aux années 2025, 2026 et 2027.

Sur le traitement des plaintes des justiciables devant le CSM

Les députés ont adopté le principe selon lequel :

  • le plaignant peut être assisté de son conseil lors de son éventuelle audition par la commission d’admission des requêtes (CAR),
  • le conseil du plaignant est destinataire de la décision rendue par la CAR.

Les dispositions intéressant directement la profession d'avocat

En matière pénale

  • Aligner le délai de pourvoi en cassation sur celui de l’appel (proposition du CNB adoptée par l’Assemblée nationale) ;
  • Prévoir que toutes les parties, qu’elles résident ou non dans le ressort de la juridiction, pourront désigner leur avocat par lettre recommandée avec avis de réception (proposition du CNB adoptée par l’Assemblée nationale) ;
  • Porter le délai prévu pour contester devant le juge d’instruction sa propre décision à 10 jours (proposition du CNB adoptée par le Sénat et l’Assemblée nationale) ;
  • Améliorer la procédure de dessaisissement de la juridiction d’instruction au profit du pôle dédié au traitement des crimes sériels et non élucidés du tribunal judiciaire de Nanterre (proposition du CNB adoptée par l’Assemblée nationale) ;
  • Encadrer spécifiquement la conservation des scellés criminels dans le cadre des cold cases (proposition du CNB adoptée par le Sénat et l’Assemblée nationale) ;
  • Modifier les dispositions relatives à la compétence matérielle et territoriale du pôle dédié au traitement des crimes sériels et non élucidés du tribunal judiciaire de Nanterre (proposition du CNB adoptée par le Sénat et l’Assemblée nationale) ;
  • Prévoir l'anonymisation des vidéos issues des caméras individuelles des personnels pénitentiaires qui seront utilisées à des fins pédagogiques et de formation (proposition du CNB adoptée par le Sénat et l’Assemblée nationale) ;
  • Prévoir que lorsqu’une personne est mise en examen et est placée en détention provisoire, l’avocat désigné par la personne, ou l’avocat commis d’office à sa demande, peut indiquer les noms des associés et collaborateurs pour lesquels la délivrance d’un permis de communiquer est sollicitée (adopté par le Sénat et l’Assemblée nationale) ;
  • Donner l’accès de la partie civile et de leur avocat au dossier de la procédure, y compris avant son éventuelle convocation pour audition. Le juge pourra cependant s’opposer à la remise d’une copie, par ordonnance motivée susceptible d’appel devant le président de la chambre de l’instruction (adopté par l’Assemblée nationale) ;
  • Supprimer la déclaration d’intention imposée aux avocats dans le cadre de la clôture de l’instruction et prévue à l’article 175 du CPP (adopté par l’Assemblée nationale) ;
  • Systématiser la présence de l’avocat auprès de la personne morale mise en cause dans le cadre d’une convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) contrairement aux sénateurs (adopté par l’Assemblée nationale) ;
  • Prévoir, dans le cadre des enquêtes préliminaires, que le procureur de la République pourra, à titre exceptionnel décider de la continuation de l’enquête pendant une nouvelle durée de deux ans, à condition que celle-ci se déroule selon des modalités contradictoires renforcées (prévues par l’article 77-2), c’est-à-dire une ouverture complète au contradictoire avec mise à disposition de la procédure et la possibilité de faire des observations ou des demandes d’actes (adopté par le Sénat et l’Assemblée nationale) ;
  • Préciser, dans le rapport annexé fixant les objectifs du ministère de la justice pour le quinquennat, qu’une réflexion pourra être engagée afin de garantir la présence systématique d’un avocat auprès des enfants en assistance éducative (adopté par l’Assemblée nationale).

Sur la justice économique

Exclure les avocats du champ de compétence des tribunaux des activités économiques (proposition du CNB adoptée par l’Assemblée nationale).

Sur la formation des avocats

  • Autoriser expressément les CRFPA à :
    • dispenser des formations préparatoires aux examens de contrôle des connaissances prévus dans le cadre des voies d'accès dérogatoires à la profession d'avocat ;
    • ouvrir leurs actions de formation continue à d'autres professionnels que les avocats (proposition du CNB adoptée par l'Assemblée nationale).
  • Sécuriser le statut de l’élève avocat en prévoyant que les stages font l’objet de conventions de stage tripartite (proposition du CNB adoptée par l’Assemblée nationale) ;
  • Aligner le droit français sur le droit de l’UE afin de prendre en compte l’expérience professionnelle acquise dans un Etat membre de l’Union européenne pour accéder à la profession d’avocat en France (proposition du CNB adoptée par le Sénat et l’Assemblée nationale).

Sur la discipline des avocats

  • Faciliter, dans le cadre de la procédure disciplinaire des avocats, la désignation de rapporteurs en phase d'instruction et de membres de conseils de discipline et d'assesseurs dans la formation de jugement de la cour d'appel (proposition du CNB adoptée par le Sénat et l’Assemblée nationale) ;
  • Introduire une procédure disciplinaire simplifiée dans la procédure disciplinaire des avocats (proposition du CNB adoptée par le Sénat et l’Assemblée nationale) ;
  • Créer un dispositif permettant d’organiser un conseil de discipline commun aux trois barreaux de Guyane, de Martinique et de Guadeloupe, Saint-Martin, Saint-Barthélemy.
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