25 avril 2019

Droits des femmes : l'égalité, vecteur de croissance. L'exemple éthiopien

Affaires européennes et internationales

​En février 2019, Christiane Féral-Schuhl accompagnée d’Aminata Niakaté et d’Enke Kebede, se sont rendues en Éthiopie à la rencontre de Sahle-Work Zewde, présidente de la République d’Éthiopie. Retour sur le déplacement qui a également été l'occasion d'échanger avec les acteurs associatifs locaux​ et de réaliser un film documentaire qui a été diffusé lors de la journée internationale des droits des femmes.

Du 20 au 24 février 2019, Christiane Féral-Schuhl accompagnée d’Aminata Niakaté, présidente de la commission Égalité du Conseil national des barreaux, et d’Enke Kebede, ont rencontré Sahle-Work Zewde, présidente de la République d’Éthiopie, et seule femme présidente du continent africain.

Cette rencontre exclusive avec un chef d’État étranger, une première pour l’institution, avait pour objet d’observer de plus près l’exemple éthiopien en matière d’égalité femmes-hommes et les leçons à en tirer pour faire avancer la cause de l’égalité.

Rencontre avec la présidente de la République Sahle-Work Zewde

Sahle-Work Zewde, seule femme présidente du continent africain

Après l’arrivée au pouvoir du premier ministre Abiy Ahmed en avril 2018, l’Éthiopie connaît un bouleversement sans précédent, qui suscite l’intérêt du monde entier.

En quelques mois, le pays a donné un coup d’arrêt à la guerre larvée qui durait depuis plus de trente ans avec l’Érythrée, a libéré tous les prisonniers politiques, a invité tous les opposants politiques exilés à l’étranger à rentrer en Éthiopie, a lancé des projets de privatisation des grandes entreprises publiques et compte jouer un rôle diplomatique dans cette région d’Afrique.

Mais c’est surtout dans le domaine de l’égalité femmes-hommes que l’Éthiopie s’est distinguée. Dès son arrivée, le premier ministre a institué la parité au sein de son gouvernement en accordant des ministères régaliens à des femmes, comme le ministère du commerce et de l’industrie, le ministère de la défense ou le ministère de l’intérieur dénommé « ministère de la paix ».

La mise en avant des femmes à des postes à haute responsabilité s’est poursuivie avec la désignation de la présidente de la République, Sahle-Work Zewde, de la présidente de la Cour suprême, Meaza Ashenafi et de la présidente de la commission électorale en charge d’organiser les élections en 2020, Burtukan Mideksa.

Le premier ministre Abiy Ahmed considère que l’émancipation des femmes est facteur de paix et de bonne gestion des affaires publiques, et que la prospérité d’un pays ne peut se faire sans associer les 50% de la population : les femmes.

Un mandat tournée sur l'égalité femmes-hommes

Sahle-Work Zewde est une diplomate de carrière qui, par le passé, a occupé des postes de haut rang au niveau national et international : elle a été ambassadrice d’Éthiopie à Djibouti, au Sénégal et en France ; elle a été directrice générale de l’office des Nations Unies au Kenya et enfin la première femme représentante spéciale du secrétaire général des Nations Unies auprès de l’Union africaine.

Sa désignation au poste de présidente de la République au mois d’octobre dernier est probablement une reconnaissance de ce parcours exceptionnel.

La rencontre avec Sahle-Work Zewde a été l’occasion d’évoquer la question des femmes au pouvoir et l’impact de cette visibilité dans l’avancée des droits des femmes.

Dès son discours d’investiture, elle avait clairement indiqué qu’elle mettrait à profit son mandat pour faire avancer les droits des femmes et qu’elle était « déterminée à faire bouger les lignes ».

Pour elle, d’une part, le combat du droit des femmes n’a pas de frontières et nécessite une solidarité et des actions internationales et d’autre part la désignation de femmes à des postes de haut rang politique ne doit pas être une fin en soi mais doit être utilisée à bon escient pour inspirer les autres et mettre en place des actions concrètes dans tous les domaines.

Elle envisage de « mettre les projecteurs sur celles qui sont invisibles et qui agissent au quotidien sur le terrain, mais aussi celles qui ont reçu des distinctions internationales ». Elle souhaite que cette nouvelle impulsion donnée par le premier ministre perdure et qu’elle incite les femmes à se lancer dans la politique pour acquérir « de vrais pouvoirs ».

Parmi les projets concrets qu’elle vient d’initier, elle cite la réussite universitaire, car les femmes sont nombreuses à s’y inscrire, mais peu à être diplômées. Elle a réuni tous les présidents d’université pour engager une réflexion nationale sur les causes de cet abandon.

Rencontre avec la présidente de la Cour suprême Meaza Ashenafi

Meaza Ashenafi est une ancienne avocate, fondatrice de l’association des femmes avocates (EWLA – Ethiopian Women Lawyers Association) et d’une banque éthiopienne pour les femmes (ENAT Bank). Elle a également travaillé à la commission économique des Nations Unies pour l’Afrique notamment sur les droits et libertés des femmes en Afrique.

La rencontre avec Meaza Ashenafi a été l’occasion d’évoquer le rôle des femmes dans le monde du droit et les actions à mener pour promouvoir plus de femmes dans ce domaine. Meaza Ashenafi évoque son cas personnel comme exemple pour donner des pistes de solution pour l’émancipation des femmes : issue d’une famille modeste vivant dans une zone rurale, cinquième enfant d’une fratrie de neuf enfants, elle tient sa réussite à la volonté de sa mère qui tenait à scolariser ses filles et même les pousser à réaliser des études universitaires. La recette est simple d’après elle : « l’éducation, l’éducation, l’éducation ».

Parmi ses contributions dans le passé, elle cite l’introduction de termes juridiques comme les violences contre les femmes ou le harcèlement sexuel lors de la réforme de la constitution à laquelle elle était associée. Elle croit à la vertu de l’exemple et des symboles pour inspirer les plus jeunes et nous parle de rencontres qu’elle veut mettre en place entre les femmes magistrats de la Cour et les étudiantes en droit.

Rencontre avec les acteurs associatifs sur le terrain

EWLA - Ethiopian Women Lawyers Association

Nous avons rencontré Eyerusalem Solomon, directrice générale qui nous a fait part des trois domaines d’activité de l’association, à savoir l’aide juridique aux femmes et aux mineurs, la formation/sensibilisation et la recherche/lobbying. Plus de 200 000 femmes ont pu bénéficier des services de l’association : conseils juridiques, médiation, représentation gratuite d’avocats, aide à l’allocation de fonds pour les victimes ou campagnes de sensibilisation. Au titre de son activité de lobbying et grâce à la connaissance du terrain, l’association a contribué à faire évoluer la législation, comme la pénalisation de l’excision ou l’interdiction des mariages précoces pour les mineurs de moins de 18 ans.

SETAWEET

Setaweet est un mouvement féministe fondé en 2014 qui s’est transformé en entreprise à vocation sociale, la première en Éthiopie qui réalise des recherches et organise des formations sur l’égalité femmes/hommes à destination des entreprises, institutions ou écoles. Une des initiatives qui a retenu notre attention était un concours photo sur le thème #MeilleurPapa. Les participants, pères de famille, devaient envoyer des photos de situations du quotidien qui démontraient une répartition équitable des tâches avec leurs épouses. Cette initiative réalisée en partenariat avec l’ambassade de Suède mettait en parallèle le rôle des pères dans les deux pays et a fait l’objet d’une exposition.

JUSTICE FOR ALL

Cette organisation non gouvernementale, constituée au départ autour de la question des droits dans les prisons, a élargi progressivement son activité à la promotion des droits de l’homme, la bonne gouvernance et l’État de droit en Éthiopie. Elle organise également des formations pour promouvoir l’émancipation des femmes et accompagne en justice les jeunes filles victimes de mariages précoces qui souhaitent voir annuler leur mariage et poursuivre en justice leurs parents.

Rencontre avec les élèves du Lycée Guebré-Mariam

Le lycée franco-éthiopien Guébré-Mariam a été fondé en 1947. Situé au cœur de la capitale sur un terrain de plus de 4 hectares, cet établissement à vocation internationale accueille 1 800 élèves de plus de 50 nationalités, de la petite section à la terminale.

En amont de la 2ème édition de la journée du droit dans les collèges, qui aura lieu le 4 octobre 2019, sur le thème de l’égalité filles-garçons, une rencontre de plus de deux heures a eu lieu avec trois classes de 4ème sur ce thème, en présence du proviseur du lycée, Jean-Christophe Torres. Au cours de ce débat ouvert, les élèves ont pu aborder les questions qui les préoccupent. Ont notamment été abordés les questions suivantes : Comment combattre l’inégalité ? Comment lutter contre le harcèlement sexuel notamment sur les réseaux sociaux ? Comment aspirer à l’égalité professionnelle et salariale ? Quel est le rôle des hommes dans ce combat ? L’échange a permis de les sensibiliser à cette question, et de les interroger sur les clichés qu’ils doivent pouvoir dépasser, ainsi que sur les droits fondamentaux en général.

L’Éthiopie comme exemple pour célébrer la journée internationale des droits des femmes

Le 5 mars 2019, le CNB a célébré de façon originale la journée internationale des droits des femmes avec une manifestation intitulée « Droit des femmes : l’égalité vecteur de croissance. L’exemple éthiopien » devant plus d’une centaine de participants.

La séance a débuté par la projection du film intitulé « Sahle-Work Zewde, présidente de la république d'Éthiopie, un espoir pour tout le continent » suivie d'une table ronde, animée par Valérie Duez-Ruff, vice-présidente de la commission Égalité du CNB, qui était entourée de : Virginie Duby-Muller, députée de Haute-Savoie et présidente du groupe d'amitié France-Ethiopie, Enke Kebede, directrice de l’ERAGE et Aminata Niakaté, présidente de la commission Égalité du CNB, membre de la commission des Affaires européennes et internationales et présidente de la Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats (FNUJA).

Dans son discours d’ouverture, Christiane Féral-Schuhl a souligné la volonté d’un homme, le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, qui a instauré la parité et a mis sur le devant de la scène des femmes compétentes. Elle précise : « L’exemple éthiopien montre que nous aurons gagné cette bataille culturelle quand les hommes, partout dans le monde, feront des droits des femmes une priorité. Le jour où un homme se battra pour être secrétaire d’État aux droits des femmes, nous aurons gagné. »

La table ronde qui s’en est suivie a été l’occasion de souligner que les femmes représentent 50% des forces vives, 50% des cerveaux et d’intelligence collective et 50% des ressources humaines d’un pays. L’exemple éthiopien démontre qu’une volonté politique forte et une société civile très mobilisée peut faire évoluer les choses. Le débat s’est ensuite focalisé sur l’égalité femmes-hommes en France et dans la profession d’avocat en particulier, pour constater les avancées mais également souligner ce qui reste encore à faire. Il s’agit par exemple de mesures pour préserver l’équilibre vie privée et vie professionnelle, un enjeu d’avenir qui concerne toutes les professions.

Sahle-Work Zewde, un espoir pour tout le continent

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