25 novembre 2025

Action de groupe : appréciation élargie des faits générateurs de discrimination salariale

Droit et entreprise

Cass. soc., 5 nov. 2025, n° 24-15.269 : lorsqu’une discrimination collective se poursuit après l’entrée en vigueur de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016, les faits antérieurs doivent être pris en compte dès lors qu’ils continuent de produire leurs effets. Cette prise en compte étendue du fait générateur n’affecte toutefois pas le principe selon lequel seuls les préjudices survenus après la réception de la demande mentionnée à l'article L. 1134-9 du code du travail sont réparables.

La société Safran Aircraft Engines (groupe Safran), exerce une activité de conception, développement et production de moteurs pour les avions, les lanceurs spatiaux et les satellites. En 2018, la Fédération des travailleurs de la métallurgie (FTM-CGT) a engagé une action de groupe contre Safran Aircraft Engines pour faire cesser une discrimination syndicale alléguée envers les élus et mandatés CGT dans l'évolution de leur carrière et de leur rémunération, et obtenir réparation pour les salariés concernés.

Le tribunal judiciaire a rejeté l'ensemble des demandes présentées par la FTM-CGT par jugement du 15 décembre 2020, confirmé par un arrêt du 14 mars 2024 de la cour d'appel de Paris. La cour d’appel a rappelé qu’en application de l'article 92-II de la loi du 18 novembre 2016, les dispositions spécifiques à l'action de groupe sont applicables aux seules actions dont le fait générateur de la responsabilité ou le manquement est postérieur au 19 novembre 2016. La cour d’appel a ainsi débouté les demandeurs au motif qu'il ne pouvait être examiné la réalité d'un fait générateur ou d'un manquement qui s'est produit antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi sur l'action de groupe.

La cour de cassation censure les juges du fond : « En statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher si les organisations syndicales représentatives ne se fondaient pas sur des éléments de fait, présentés comme laissant supposer l'existence d'une discrimination dans l'évolution de carrière, subie par plusieurs salariés, fondée sur un même motif figurant parmi ceux mentionnés à l'article L. 1132-1 et imputable à un même employeur, qui n'avaient pas cessé de produire leurs effets postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 18 novembre 2016, la cour d'appel a violé les articles L. 1134-7 et L. 1134-8 du code du travail, alors applicables, et l'article 92, II, de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 ».

Il résulte que, pour apprécier le fait générateur de la responsabilité ou le manquement de l'employeur postérieur à l'entrée en vigueur de la loi du 18 novembre 2016, le juge, saisi d'une action de groupe fondée sur une discrimination collective s'étant poursuivie tout au long de la carrière des salariés au sein de l'entreprise en termes d'évolution professionnelle, tant salariale que personnelle, prend en compte les éléments de fait qui n'ont pas cessé de produire leurs effets postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 18 novembre 2016, quand bien même sont seuls indemnisables dans le cadre de l'action de groupe les préjudices nés après la réception de la demande mentionnée à l'article L. 1134-9 du code du travail.