18 janvier 2018

Voeux à la presse : discours de Christiane Féral-Schuhl

Institution

Retrouvez le discours de Christiane Féral-Schuhl, présidente du CNB, lors de la cérémonie des voeux à la presse, le 18 janvier 2018, aux côtés de Marie-Aimée Peyron, bâtonnier de Paris et de Jérôme Gavaudan, président de le Conférence des bâtonniers.

J’ai souhaité placer le mandat qui s’ouvre sous le signe de l’unité, de l’engagement et de l’influence.

L’unité

Et je vous vois sourire.

On vous l’a tellement fait le coup de l’unité!

Je vous demande de me croire, cette fois, c’est la bonne! Les planètes sont alignées.

Je serai la garante de cette unité, nous la devons aux avocats, les pouvoirs publics ont trop profité de nos divisions.

Une bonne résolution pour nous, peut-être une mauvaise nouvelle pour certains d’entre vous: les petites phrases assassines ont fait long feu, et, pour reprendre la belle et tranchante expression de Mme le bâtonnier de Paris, “la cacophonie des avocats, c’est fini !".

Oui c’est fini.

C’est l’engagement que les membres du bureau du CNB ont tous pris, dès le 1er janvier, en signant des voeux d’une seule voix à la profession sous forme d’un manifeste pour l’unité des avocats de France.

L’engagement, c’est mon deuxième objectif

Le conseil national des barreaux n’est pas là pour rendre des consultations juridiques - gratuites ! - à la Chancellerie sur ses projets de transformation de la justice. Le CNB est là pour prendre des positions politiques dans l’intérêt des justiciables et des avocats.

Nous allons donc nous engager. L’assemblée générale du CNB passera moins de temps à commenter le réel et établir des diagnostics: elle votera sur des propositions, pour ou contre et je serai la porte-parole de ces décisions, tout comme l’ensemble des élus de cette institution.

Nous avons commencé dès notre première Assemblée du 12 janvier : en débutant par notre ADN: la défense des libertés publiques.

En nous engageant dans un recours contre la Garde des Sceaux pour exiger la suppression des cages de verres dans les salles d’audience.

Le CNB se joint donc au SAF, à la Conférence des bâtonniers, au barreau de Paris et à des dizaines de barreaux en France.

Vous la voyez, l’unité?

Je le redis: ces cages de verre sont une insulte aux droits de la défense et une honte pour notre République.

Nous avons également voté une motion pour exiger le retrait de la circulaire Collomb. J’ai entendu le discours du Président Macron à Calais. Mais je dois lui dire, au nom des avocats de France, qu’il faut en urgence un rééquilibrage en faveur des libertés et de l’humanité dans notre pays.

Depuis 2015, nous sommes, nous les défenseurs des libertés dans un long tunnel. De la loi sur le renseignement à celle qui intègre les dispositifs de l’état d’urgence dans le droit commun, nous n’avons cessé de rogner sur les libertés parce que nous cédions à la peur.

Il est temps que le Président de la République entende cet appel qui monte de la société civile.

Nous allons aussi nous engager et prendre position sur les réformes de la justice à venir.

Nous avons comme vous pris connaissance lundi des rapports sur les 5 chantiers de la justice présentés par la Garde des Sceaux.

Notre prochaine Assemblée Générale répondra point par point aux propositions.

Nous allons purger toutes les questions en suspens.

Nous serons pour ou contre, mais nous aurons une position validée sur tous ces sujets posés sur la table.

Avant étude plus poussée des propositions contenues dans les rapports, quelques impressions que je veux partager avec vous :

Sur la procédure civile la première impression est globalement positive. Nos propositions semblent reprises pour que l’avocat soit l’accompagnateur du justiciable dans la nouvelle procédure. Une procédure qui se numérise mais qui se sécurise aussi grâce au recours étendu à l’avocat.

Sur la procédure pénale l’impression est plus floue et mitigée. Nous allons expertiser les propositions mais je m’interroge sur la forfaitisation des peines. Nous ne voulons pas d’une justice pénale algorithmique. Les avocats ont raison de plaider la peine, ils veulent continuer à le faire.

Je suis beaucoup plus inquiète et dubitative sur la carte judiciaire. J’ai compris que l’expression était taboue mais je partage avec Jérôme Gavaudan le parler-franc. Je vous avoue que je n’ai rien compris de l’usine à gaz qu’on nous a présentée. Et sans trahir de secret, je n’étais pas la seule. Nous ne voulons pas d’un bonnetot sur les cours d’appel et les TGI. Il est hors de question que la carte judiciaire soit retaillée par des comptables et pour des raisons de ressources budgétaires ou humaines déclinantes. Nous voulons une réelle politique d’aménagement du territoire qui intègre l’accès au droit. Si pour faire valoir ses droits une mère célibataire doit demain parcourir 150 km pour se rendre à une audience, la République a perdu.

On nous dit qu’il n’y aura pas de fermeture de site. Bien. Mais nous ne voulons pas de tribunaux fantômes, d’une justice territoriale à deux vitesses, régulée par des “délestages”. Où est l’intérêt du justiciable dans tout cela? Nulle part.

Je le redis enfin, en présence de Jérôme, sur ce sujet, rien ne se fera sans l’accord des avocats et des barreaux de France. Il serait temps que la Chancellerie joue cartes sur table avec nous et nous dévoile ses réelles intentions.

Je termine par l’influence. Les avocats sont là, ils vont s’exprimer et prendre part au débat public. Nous comptons sur vous, je vais rénover la communication du CNB. Vous aurez des interlocuteurs, vous aurez des positions, vous aurez des porte-parole . Je sais que Marie-Aimée engage le même chantier à l’Ordre de Paris. Tant mieux! Nous allons aussi revoir notre stratégie de lobbying. Je reviens d’une réunion commune avec les conseillers justice du premier ministre et du président de la République. Je leur ai dit que les pouvoirs publics vont devoir faire avec les avocats . Avec nos propositions pour changer la société. Avec nos alertes, avec notre front solidaire contre toute tentative d’abaisser le service public de la justice.

L’année 2018 est une année d’ambitions et d’engagement. C’est une année que nous souhaitons passer à vos côtés. Je vous souhaite, au nom du CNB, une très belle et heureuse année 2018, pour vous, vos rédactions, vos proches. Soyez heureux !

Seul le prononcé fait foi.

Haut de page