14 décembre 2017

Signature de la Convention cadre nationale relative à la mise en œuvre de la médiation dans les litiges administratifs - Conseil d’État, 13 décembre 2017

Monsieur le Vice-président,

Madame la Secrétaire générale,

Mesdames, Messieurs les Conseillers,

Mes chers confrères,

Mesdames, Messieurs,

Je suis très heureux de cette occasion de revenir au Conseil d’État avant le terme de mon mandat afin de signer cette convention cadre par laquelle nous nous engageons à promouvoir le recours à la médiation auprès des avocats, des magistrats, des acteurs publics et des justiciables.

Tout d’abord parce que j’ai, toute la durée de mon mandat, porté une attention particulière à la promotion des MARD.

L’incitation à recourir aux MARD ne doit pas être vu comme acte de défiance envers le juge. Au contraire, à côté du juge qui tranche au nom de l’Etat, il existe de la place pour un règlement négocié des différends qui participe du fonctionnement régulé et pacifié de notre société et des relations entre ses membres. La saisine de la justice doit rester l’ultime étape du règlement du différend.

Ces perspectives me semblent particulièrement intéressante en matière administrative, dans la mesure où la médiation participe du changement de nature de la relation administré/administration.

Je suis très heureux d’autre part parce que la signature de cette convention entre le Conseil national des barreaux et le Conseil d’Etat vient consacrer un partenariat avec le juge administratif que nous nous sommes attachés, Monsieur le Vice-président et moi-même, à consolider ces trois dernières années.

Ce partenariat trouve sa plus belle illustration dans les Etats généraux que nous organisons annuellement et qui sont devenus un lieu de rencontre et d’échanges privilégiés pour les magistrats de l’ordre administratif et les avocats ayant en commun leur intérêt pour cette matière.

La 6ème édition de ces Etats généraux, organisée en 2016, avait d’ailleurs pour thème « Les modes amiables de règlement des différends en droit administratif ».

A cette occasion, nous avions convenu de l’opportunité de l’évolution du cadre juridique dans le cadre de la loi de modernisation de la justice du XXIème siècle, de la nécessité de sécuriser le processus, de l’opportunité pour les avocats d’inciter nos clients à avoir recours aux MARD en matière administrative et de la nécessité de s’assurer que les tiers intervenants présenteront des garanties indispensables de compétence, d’impartialité et de neutralité.

C’est ainsi que la présente convention vient utilement compléter les évolutions du code de justice administrative issus de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle et du décret n° 2017-566 du 18 avril 2017 relatif à la médiation dans les litiges relevant de la compétence du juge administratif en s’accompagnant d’une charte éthique des médiateurs dans les litiges administratifs.

Or, comme vous le souligniez dès 2015 et le rappeliez dans votre discours en ouverture de la 6ème édition des Etats généraux, « Au-delà du chantier législatif, une culture de la médiation doit se diffuser grâce à des initiatives locales entre les différents acteurs ».

Parce que nous partageons totalement ce constat, la Convention s’accompagne aussi d’une convention type de mise en œuvre de la médiation dans le ressort de chaque tribunal administratif, que je veillerai à diffuser à l’ensemble des bâtonniers avant mon départ, en les invitant à se rapprocher des juridictions administratives de leur ressort afin d’organiser des formations sur la médiation en matière administrative, réunissant avocats et magistrats. Car c’est de la formation commune que naîtra la culture commune et sa diffusion.

Vous ajoutiez très justement « Le décollage des procédures amiables est une responsabilité partagée : leur essor ne sera pas imposé d’en haut et ne se fera pas verticalement ; il viendra du terrain et il sera le fruit des échanges, des coopérations, des partenariats qui seront noués entre les juridictions, les administrations, les barreaux, les Universités et les autres professions juridiques. Nous devons collectivement créer un environnement favorable à la médiation, sans formaliser à l’excès les procédures, ni enfermer la volonté des parties dans des choix incertains. Une fois dotés des outils législatifs et réglementaires nécessaires, nous aurons à former les professionnels du droit aux techniques de médiation, à constituer des viviers de médiateurs reconnus, à diffuser les bonnes pratiques et partager les retours d’expérience, à veiller scrupuleusement à la qualité des procédures et, en particulier, au respect des exigences déontologiques d’impartialité et de confidentialité qui incombent aux médiateurs ».

C’est d’ailleurs pour répondre à ces exigences de formation et dans la perspective de la constitution un vivier de médiateurs reconnus et rompus aux exigences déontologiques d’impartialité et de confidentialité que le Conseil national des barreaux a créé le Centre National de Médiation des Avocats (CNMA) que mentionne la Convention lorsqu’elle rappelle le rôle majeur de l’avocat qui est à la fois prescripteur de médiation, conseil de son client engagé dans un processus de médiation ou médiateur lui-même.

Le CNMA est un centre d’information dédié à la promotion de la médiation. Il se matérialise par une plateforme Internet accessible a tous, qui a pour objet :

  • De promouvoir et d’expliquer la médiation au justiciable
  • De mettre à sa disposition un annuaire des avocats médiateurs spécialement formé à la médiation et dont les dossiers sont préalablement examinés par un Conseil scientifique qui s’assure de la formation
  • De promouvoir et d’expliquer le rôle de l’avocat qui les accompagnera durant la médiation ;
  • De mettre à disposition des avocats les outils susceptibles de leur permettre de développer et de parfaire leur pratique de la médiation.

Nous avons convenu, avec les fondateurs et les promoteurs du CNMA, de dédier un pan de la plateforme à la médiation en droit administratif.

Ce pan devrait pouvoir être développé dans les prochains mois, en lien avec le groupe de travail « Droit public » du Conseil national des barreaux.

Le Conseil national des barreaux doit se saisir de ce nouveau champ d’activité dans lequel les avocats doivent intervenir avec toute la plus-value qu’apporte leur déontologie, leur compétence et leur expérience.

A cet égard, nous serons également très vigilants lors de l’expérimentation à venir d’une procédure de médiation préalable obligatoire en matière de litiges sociaux et de litiges de la fonction publique et mettrons en place, en lien avec les barreaux concernés par l’expérimentation, un dispositif de suivi à l’instar de celui que nous avons mis en place, avec le CNMA, dans le cadre de l’expérimentation relative à la tentative de médiation familiale préalable obligatoire.

L’un des éléments essentiels pour le développement des modes amiables de règlement des litiges réside dans le fait que les parties prenantes soient accompagnées tout au long de ces procédures par un avocat compétent, formé et rompu à ces questions, et qui, en outre, apporte toutes les garanties liées à sa déontologie et particulièrement au respect de la confidentialité et du secret.

L’enjeu réside surtout pour les avocats dans leur capacité à trouver leur place en tant que conseil des parties dans un processus de médiation qui diffère, par nature, de l’approche contentieuse. L’avocat doit être capable de changer de posture et grâce à sa maîtrise du processus de médiation, il assurera notamment la gestion des règles de la confidentialité, l’assistance à la prise de décision et l’accord pouvant être conclu par les parties.

A cet égard, permettez-moi, Monsieur le Vice-président, de revenir sur une question qui me tient particulièrement à cœur.

Prôner le développement des modes amiables pour qu'ils occupent une place de premier plan nous impose d’utiliser tous les vecteurs mis à notre disposition pour ce faire, au premier rang desquels l’acte contresigné par avocat.

L’accord trouvé à l’issue de la médiation, dès lors qu’il est contresigné par l’avocat de chacune des parties, comporte, par nature, d’importantes garanties : les avocats ont par hypothèse vérifié la conformité de l’accord à l’ordre public, la réalité du consentement des parties et ont veillé à la sauvegarde des intérêts de la partie qu’ils assistent.

La présence de deux avocats garantit en effet, tout au long de la négociation de l’acte, l’expression libre de l’intérêt de chacune des parties. D’autre part, en contresignant l’acte, les avocats attestent avoir « éclairé pleinement » les parties qu’ils conseillent « sur les conséquences juridiques de cet acte ».

De plus, l’article 7.1 du RIN et la jurisprudence de la Cour de cassation imposent à l’avocat rédacteur un devoir d’efficacité en tous points identique à celui qui pèse sur les notaires lorsque ceux-ci sont rédacteurs. Ils doivent garantir que l’acte est bien voulu par les parties, qu’il respecte l’équilibre entre leurs intérêts respectifs et qu’il produira les effets qu’elles en attendent, en conformité avec l’ordre public.

Octroyer la force exécutoire à l’accord de médiation contresigné par avocats représenterait un gain d’efficacité pour les parties et un gain de temps pour le juge qui n’aurait plus à traiter de la demande d’homologation.

Octroyer la force exécutoire à l’accord de médiation contresigné par avocats s’inscrirait dans la démarche initiée par l’Etat qui a choisi, notamment pour des raisons que nous connaissons bien de crise des finances publiques, de recentrer les juges sur leur mission première de juger, de trancher les litiges en application de la règle de droit.

Ayons le courage de franchir cette étape ultime : celle de doter l’acte d’avocat de médiation de la force exécutoire.

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