11 mai 2017

Réforme de la procédure d’appel : un nouveau bouleversement de la procédure d’appel en matière civile

Actualités législatives

Le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile, publié au Journal Officiel du 10 mai 2016, apporte d’importantes modifications à la procédure d’appel en matière civile qui avait été déjà profondément remaniée par le décret n°2009-1524 du 9 décembre 2009 dit le décret « Magendie ».

Le décret n°2017-891 du 6 mai 2017 opère une redéfinition de l’objet de l’appel qui s’oriente vers une « voie de réformation » du jugement. L’appel n’a plus vocation à faire réformer ou annuler le jugement mais « tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel » (art. 542 CPC).

Le décret supprime la faculté d'un appel général en imposant à l’appelant de mentionner à peine de nullité, dans sa déclaration d’appel, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf appel afin de nullité du jugement ou appel indivisible (art. 901 CPC mod.).

L’effet dévolutif de l’appel est limité : le décret n'impose désormais de statuer à nouveau en fait et en droit que dans les limites qu'il détermine (art. 561 CPC) et affirme le principe selon lequel l'appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent » (art. 562 CPC)

Le décret consacre en appel un principe de concentration des prétentions et moyens dès les premières conclusions. Aux termes de l’article 910-4 CPC nouveau, alinéa 1 « à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond ».

Les prétentions nouvelles par rapport à la première instance restent toutefois autorisées pour faire écarter les demandes adverses destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait, mais elles devront être immédiatement signalées dans les conclusions (art. 910-4 CPC, alinéa 2). La présentation formelle des conclusions d’appel est aussi encadrée (art. 954 et 961 CPC mod.).

L’article 904-1 nouveau du décret prévoit deux nouvelles procédures par laquelle l’affaire doit être jugée à bref délai (art. 905 CPC) ou par laquelle un conseiller de la mise en état est saisi. Cette procédure d’urgence bénéficie désormais aux appels des ordonnances en la forme des référés et fait l’objet de délais impératifs très brefs (art.905-1, 905-2 CPC).

Pour le « circuit long », le décret harmonise à trois mois les délais dans lequel les parties doivent, à peine de caducité ou d'irrecevabilité, remettre au greffe leurs conclusions et prévoit à l’article 910-2 CPC l'interruption des délais en cas de médiation. En revanche, le délai d’un mois pour procéder à la signification de la déclaration d’appel dans l’hypothèse où l’intimé n’a pas constitué avocat n’est pas modifié, sauf à préciser que si ce dernier a constitué avocat avant la signification de la déclaration d'appel, la signification ne s’impose plus (art. 902 CPC mod.).

Le décret maintient les sanctions drastiques issues du décret « Magendie » encourues en cas de non-respect des délais d’appel et prévoit même une série de nouvelles sanctions mais un nouvel article 910-3 permet au président de la chambre ou le conseiller de la mise en état d’écarter l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911 « en cas de force majeure » (vraisemblablement dans les conditions définies de l’article 1218 du Code civil à défaut de précision contraire).

La non-remise des conclusions par voie électronique en cas de représentation obligatoire s’effectue toujours à peine d'irrecevabilité relevée d'office mais le décret modifie l’alinéa 2 de l’article 930-1 CPC pour permettre un envoi par lettre recommandée avec demande d'avis de réception « lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit ». Cette modification facilitera aussi l’intervention de l’avocat dans le cadre de la procédure avec représentation obligatoire devant la cour d’appel statuant en matière prud’homale.

Par ailleurs, le délai de saisine de la juridiction de renvoi après cassation est réduit à deux mois au lieu de quatre mois et, en cas de renvoi devant la cour d'appel, des délais impératifs d'échange des conclusions sont prévu. Le décret met aussi fin au régime dérogatoire du contredit, les décisions tranchant des exceptions d'incompétence relevant désormais de l'appel.

Le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 entre en vigueur au 1er septembre 2017. Les dispositions relatives à l’aide juridictionnelle (article 38) et celles consécutives à un renvoi après cassation (article 52) sont applicables au lendemain de la publication du décret.

Un rapport sera présenté lors de l’Assemblée générale du 12 mai 2017 sur ce décret qui ne tient malheureusement pas compte des observations faites par le CNB sur le projet de décret.

Ce décret fera aussi l’objet d’une fiche technique diffusée par le Conseil national des barreaux.

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