Le CNB a présenté les principales dispositions des textes européens en droit des étrangers en négociation et s'inquiète de plusieurs mesures fragilisant les garanties procédurales et les droits fondamentaux.
La commission Libertés et droits de l'Homme du CNB présentait en février 2021 un rapport pour alerter sur les fragilités juridiques du Pacte européen sur la migration et l'asile et en particulier sur la mise en place d'une procédure de filtrage et sur le règlement instituant une procédure commune en matière de protection internationale dans l'Union, lequel généralise les procédures accélérées et réduit les cas dans lesquels le recours est suspensif.
Malgré une forte mobilisation de la profession, le Pacte européen sur la migration et l'asile a été définitivement adopté en mai 2024, dans une version ne permettant pas d'assurer effectivement un accès à l'assistance juridique ni un exercice du droit au recours effectif. La plupart de ses dispositions entreront en vigueur en 2026.
En 2025, la Commission européenne a présenté deux nouveaux textes qui viennent compléter ce dispositif. Ce rapport se propose de se concentrer sur les dispositions pouvant impacter l'exercice des avocats et les droits fondamentaux des personnes concernées.
1/ La proposition de règlement « retour » établissant un système commun en matière de retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier dans l'Union COM (2025) 101 final
Cette proposition prévoir notamment :
- Le principe de reconnaissance mutuelle des décisions de retour délivrées dans un Etat membre.
Les violations répétées des droits procéduraux fondamentaux des personnes en exil dans un grand nombre d'Etats membres, combinées à la reconnaissance et à l'exécution automatique des décisions de retour, risquent de porter gravement atteinte aux obligations internationales des Etats membres, en particulier au principe de non-refoulement.
- Les retours dans un pays tiers avec lequel il existe un accord ou un arrangement.
L'article 17 de la proposition introduit une base juridique permettant aux Etats membres de créer des « centres de retour » s'ils concluent un accord avec un pays tiers à cet effet.
Le fonctionnement de ces centres reste imprécis, la disposition renvoyant à l'accord bilatéral signé ultérieurement.
Il s'agit en réalité de la légalisation de certains dispositifs de retour très controversés dans quelques Etats européens à l'instar de celui qui est en train d'être mis en place entre l'Italie et l'Albanie.
- Les atteintes au droit à l'assistance juridique et au droit à un recours effectif.
- La rétention des personnes et la prolongation sensible de la durée maximale de rétention à 24 mois sans droit garanti à l'information juridique au sein des centres de rétention.
2/ La proposition de règlement (2025) 600 final pour l'adoption d'un règlement visant à faciliter davantage l'application du concept de pays tiers sûr
La notion de pays tiers sûr permet de déclarer irrecevable une demande d'asile. La Commission propose d'apporter les modifications suivantes aux conditions dans lesquelles le concept peut être appliqué :
- L'existence d'un lien entre le demandeur et le pays tiers sûr ne sera plus obligatoire. Les Etats membres pourront choisir d'appliquer le concept de pays tiers sûr lorsqu'il existe un lien au sens du droit national.
- Le transit par un pays tiers sûr avant d'atteindre l'UE peut désormais également être considéré comme un lien suffisant pour appliquer le concept de pays tiers sûr.
- En l'absence de lien ou de transit, le concept peut être appliqué s'il existe un accord ou un arrangement avec un pays tiers sûr. Cet accord ou cet arrangement garantira l'examen de la demande de protection effective dans le pays tiers sûr, de sorte que les demandeurs puissent bénéficier d'une protection si cela se justifie. Cette option ne s'appliquera pas aux mineurs non accompagnés.
- En outre, afin de réduire les délais procéduraux et de prévenir les abus, la Commission propose que les recours contre les décisions d'irrecevabilité fondées sur le concept de pays tiers sûr n'aient plus d'effet suspensif automatique.
Ce texte complète donc la proposition de règlement « retour » présenté plus haut en permettant d'externaliser la prise en charge des demandeurs d'asile dans les Etats tiers.
Ce texte remet gravement en cause le système européen de l'asile tel qu'il a été adopté en 2024 dans le Pacte européen sur la migration et l'asile en offrant la possibilité aux Etats membres de déclarer massivement les demandes d'asile irrecevables dès que les demandeurs ont transité par un pays tiers respectant les dispositions de la Convention de Genève et certaines garanties fondamentales.
Cette proposition de texte constitue donc une bascule en permettant aux Etats membres qui le souhaitent d'éluder leurs obligations internationales au titre de la Convention de Genève.
Le rapport présente enfin l'état des dernières négociations concernant la proposition de directive visant à prévenir et combattre l'aide à l'entrée, au transit et au séjour des personnes non autorisées dans l'Union COM/2023/755 final laquelle comporte également des dispositions dangereuses risquant de criminaliser l'aide humanitaire et l'assistance des étrangers par les avocats.