22 avril 2020

Audition au Sénat du Défenseur des droits le 22.04.2020

Institution

Dans le cadre de la mission de contrôle liée à l'épidémie de Covid-19 la commission des lois du Sénat a auditionné, mercredi 22 avril 2020, Jacques TOUBON, Défenseur des droits.

Audition du Défenseur des droits par le Sénat

SYNTHÈSE DE L'AUDITION DE M. JACQUES TOUBON, DÉFENSEUR DES DROITS

Sur le plan de continuité des services chez le Défenseur des droits
  • Sur le plan local, les délégations territoriales du DD sont fermées mais elles continuent de travailler.
  • Les permanences téléphoniques ont accru leurs moyens et le DD a créé un numéro spécial pour les détenus.
  • L’activité du DD est divisée par deux par rapport à la même époque l’année dernière.
  • Le DD traite actuellement les « signalements » individuels et collectifs et les réclamations tout en continuant à instruire les autres dossiers.
  • Le DD prend aussi un certain nombre de positions publiques entraînant un certain nombre de médiation avec l’Etat.
  • Les efforts se sont concentrés sur la situation des personnes vulnérables (aveugles, handicapées, etc..) concernant l’utilisation des attestations dérogatoires.
  • Sur le versement des allocations et notamment du RSA : le réseau de la Poste qui permettait un versement en espèce s’est fortement retractée. Une médiation avec la direction générale de la Poste s’est effectuée afin de corriger la situation.
Sur la question de détention et de la rétention
  • Il a été demandé aux ministères de l’Intérieur et de la Justice de prendre des mesures pour garantir la sécurité sanitaire des détenus et des retenus. Une position commune exceptionnelle a été prise avec la contrôleure général des lieux de privation de liberté et le président de la Commission nationale consultative.
  • Sur les centres de rétention administrative, la situation a beaucoup évolué depuis la décision du Conseil d’Etat qui a prolongé l’activité de ces centres. D’une part, il y a de moins en moins d’expulsion et la légalité de la rétention des personnes qui ont vocation à être expulsées se pose. D’un point de vue sanitaire, le rapport d’Adeline HAZAN constate que des cas de Covid-19 sont confirmés dans certains centres et il existe donc un risque de contagion.
  • Le DD a redemandé aujourd’hui que ces centres fassent l’objet de mesures plus protectrices et que la fermeture soit privilégiée.
Sur la situation des enfants
  • De nombreuses réclamations sur la mise à l’écart des enfants qui accompagnaient des parents dans les supermarchés ont été observées. L’intérêt supérieur de l’enfant, dans ce genre de circonstances dramatiques, est complètement négligé.
  • Il y a un vrai problème de coordination des acteurs sur le terrain et un problème de pilotage national de l’ASE. Le 119 doit être absolument soutenu.
  • Une plateforme de ressources à destination des parents doit être mis en place (du fait du retour des enfants en famille et la restriction du droit de visite).
  • Pour les évaluations des situations d’enfants en danger, seulement la moitié sont aujourd’hui assurées par les commissions régionales. Cette situation est d’autant plus préoccupante que la justice des mineurs rencontre des difficultés notamment avec les départements. Des départements suppriment des droits de visites sans décision du juge et inversement des juges prennent des décisions sans auditions des parties.
  • Pour les mineurs non accompagnés (MNA), certaines situations sont inquiétantes avec des MNA qui ne sont plus traités comme des enfants mais comme des étrangers ordinaires.
  • Pour les mineurs incarcérés, il faut que des dispositions particulières soient prises pour accélérer les procédures de mise en liberté.
  • La disparition de la restauration collective est un des éléments centraux des disparités sociales et du décrochage social. La cantine doit être considérée comme un service essentiel.
Sur les personnes âgées
  • La question des personnes hébergées dans certains établissements éduco-sanitaires et des contacts avec leurs familles est actuellement travaillée.
  • Il se tiendra vendredi le comité d’entente « avancée en âge » (représentants d’une quinzaine d’associations en charge de cette question) pour examiner cette question en détail.
Sur le déconfinement
  • Toute proposition afin de prolonger le déconfinement d’une partie de la population en fonction de l’âge et de l’état de santé pose des risques de discriminations. Il faudrait en démontrer la nécessité et la proportionnalité. Une mesure générale et systématique doit être écartée, sauf à reposer non pas sur une obligation mais sur la responsabilité individuelle.
  • S’il devait y avoir une obligation, il conviendrait d’adopter une nouvelle disposition législative complétant la loi d’état d’urgence sanitaire et qui prévoirait un avis médical pour empêcher toute discrimination.
Sur le tracking
  • Ce dispositif doit se faire sur la base du volontariat, les données recueillies ne doivent pas remonter sur une base centrale, ces données devront être supprimées et le dispositif doit faire l’objet d’un dispositif d’information.
  • De manière générale, tout système qui consiste à mettre de l’automaticité dans le traitement médical, préventif ou curatif, le droit fondamental du malade au consentement doit être écarté.
  • Il sera nécessaire de s’interroger sur l’édifice de la loi de 2002 sur le droit des malades, qui est une loi entrée dans nos principes fondamentaux et qui risque d’être remise en cause par l’utilisation des nouvelles technologies.
Sur la situation de la Justice
  • Il s’agit d’une « grande préoccupation ». Avec le confinement, le contrôle des mesures prises durant l’état d’urgence sanitaire a été amoindrie. Les principes mêmes de l’Etat de droit exigent que les mesures qui sont nécessaires, proportionnées, exceptionnelles et temporaires soient aussi contrôlées et fassent l’objet de recours.
  • L’absence de contradictoire est très préjudiciable et le fonctionnement ralenti des juridictions restreint la garantie du respect des droits.
Sur la prolongation automatique des délais de détention provisoire
  • Elle est contradictoire avec la politique justifiée d’allègement de la population carcérale. Cette disposition n’apparaît pas justifiée et cohérente.
  • Si la possibilité d’une demande de remise en liberté est toujours possible, dans les faits, la situation actuelle de la Justice est considérablement embouteillée et n’assure pas pleinement ces recours.
  • Il serait intéressant que cette question puisse être posée au Conseil Constitutionnel sous une forme d’une QPC posée par un juge des libertés ou par une chambre d’instruction.
Sur le droit des étrangers
  • Le blocage des demandes d’asile du fait de la fermeture des guichets est une situation anormale et qui prive naturellement les droits fondamentaux de ces personnes.
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